Surveillance du salarié et atteinte à la vie privée - Juillet 2016

Dans un arrêt en date du 17 mars 2016 (Cour de cassation, 2ème chambre civile, pourvoi n° 15-11412), la 2ème chambre civile de la Cour de cassation est venue affirmer que la filature organisée par l’employeur pour contrôler et surveiller l’activité d’un salarié constitue un moyen de preuve illicite. Reprenant la jurisprudence récemment établie par la chambre sociale, elle fait valoir, à l’appui de sa décision, que la mise en place d’un tel dispositif implique nécessairement une atteinte à la vie privée de l’employé. Or, selon elle, cette atteinte ne saurait être justifiée par les intérêts légitimes de l’employeur, eu égard à son caractère disproportionné.

Est-ce dire pour autant que les employeurs, notamment confrontés à des soupçons d’actes de concurrence déloyale de leurs salariés, se retrouvent entièrement démunis sans pouvoir faire valoir leurs droits ? Heureusement, non ! S’ils ne peuvent « filer » leurs employés, ils disposent néanmoins d’un pouvoir de surveillance de ces derniers dans l’exécution de leur contrat de travail qui leur permet, notamment, de mettre en place une surveillance visuelle sur le lieu et pendant le temps de travail, ou encore un contrôle effectué par un service interne à l’entreprise, sous réserve d'en avoir préalablement informé les Institutions Représentatives du Personnel (voir ci-dessous « le juge et la preuve »).

Focus sur...

Détective privé et pouvoir de surveillance

Les dispositions légales sont claires. Si l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses employés, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance (article L 1222-4 du Code du travail). De même, l’information recueillie ne saurait porter atteinte de manière disproportionnée au respect de la vie privée de l’intéressé.

Conscients de ces règles, et soucieux de mener à bien les missions qui leurs sont confiées, les détectives sollicités par les employeurs ne font donc état dans leurs rapports que des griefs susceptibles d'être légalement reprochés au salarié. Ces rapports constituent néanmoins des sources d’informations très précieuses. Grâce au travail d’investigation effectué en amont, ils permettent, dans bien des cas, de présenter en justice une requête à fin de constat, un moyen efficace de se constituer des preuves en toute légalité (article 145 du nouveau Code de procédure civile). Rien de tel en effet pour prouver la faute d’un salarié ou des faits litigieux (concurrence déloyale, débouchage, détournement de cliente, etc.) afin de faire valoir ses droits en justice.

Les juges et la preuve

La filature en interne d’un salarié est licite

Un salarié, embauché en qualité de contrôleur, est licencié pour faute grave. Son employeur lui reproche d’utiliser une partie de son temps de travail à des fins personnelles. Le conflit est porté devant les tribunaux.

Pour justifier sa position, l’employeur produit un rapport de filature établi en interne par le personnel de surveillance de la société qui montre le principal intéressé, d’une part, en train de se rendre au domicile de l’une de ses collègues et, d’autre part, se promenant à l’intérieur d’un grand magasin, pour des courses personnelles, le tout durant ses heures d’emploi. Pour sa défense, le salarié soutient que ces preuves ont été obtenues de manière illicite, dès lors qu'elles impliquent nécessairement une atteinte à sa vie privée, insusceptible d'être justifiée, eu égard à son caractère disproportionnée, par les intérêts légitimes de l'employeur. En vain. Selon la Cour de cassation, le contrôle de l’activité d’un salarié, au temps et au lieu de travail, par un service interne à l’entreprise chargé de cette mission ne constitue pas, en soi, même en l’absence d’information préalable du salarié, un mode de preuve illicite.

La décision de justice